L'Histoire du Meusien

Découvrez la deuxième partie : La Guerre.

PARTIE 2

La Guerre

La bataille de la Marne

3 Août 1914 ! Coup de tonnerre sur l’Europe ! Après la déclaration de guerre de l’Autriche-Hongrie et de l’Allemagne à la Serbie, puis l’intervention de la Russie, c’est au tour de la France d’être agressée par le Reich Allemand qui déferle à travers la Belgique.

Carte du réseau Meusien pendant la Première Guerre mondiale

Le chemin de fer meusien subira alors des dommages importants au cours des combats de la Bataille de la Marne (Ippécourt, la Vaux-Marie, Vassincourt, Mognéville…) gagnée par les Français.

Les troupes du Kronprinz Impérial se replient alors sur des positions établies à la hâte et le front finit par se stabiliser à proximité de Varennes-en-Argonne, contourne Verdun, puis suit les Côtes de Meuse et enfonce la hernie de Saint-Mihiel dans le dispositif français.

Le Grand Quartier Général réalise très vite que la place forte de Verdun se trouve dans une situation critique compte-tenu de l’impossibilité d’acheminer vers elle troupes, matériels, vivres, munitions avec efficacité.

En effet, des deux grandes lignes de chemin de fer qui transitent par Verdun, aucune n’est en état de fonctionner normalement. La ligne n° 19 qui longe la vallée de la Meuse est coupée par le saillant de Saint-Mihiel tandis que la ligne n° 5 (Châlons à Conflans-Jarny) est sous le feu de l’ennemi.

A la disposition du commandement français ne reste que la ligne d’intérêt local à voie métrique et un chemin malaisé qui joint Bar-le-Duc à la place-forte, pivot de la défense française dans le secteur.

Le Grand Quartier Général s’alarme de cette situation et décide de réquisitionner le réseau meusien dès le 1er décembre 1914.

Les travaux d'amélioration

Écusson du 5° régiment du génie

L’année 1915 sera donc consacrée à l’amélioration des lignes menant vers l’Argonne et Verdun par le 5ème Régiment du Génie. La 10ème section de Chemin de Fer de Campagne est chargée de son exploitation.

Un énorme chantier se développe alors qui permet de doubler les voies entre Rembercourt-aux-Pots et Beauzée-sur-Aire, de construire un embranchement depuis les Souhesmes jusqu’à Dugny, au sud de Verdun.

Il est procédé à de nombreuses modifications : allongement des quais, construction de voies de débord et d’évitement, de voies de transbordement à Revigny-sur-Ornain avec le réseau Est et à Bar-le-Duc avec le canal de la Marne au Rhin.

Toutes les gares sont équipées du téléphone.

Cette année 1915 est également mise à profit par les militaires pour améliorer la route de Bar-le-Duc à Verdun en l’empierrant et en l’élargissant à 7 mètres de telle sorte que le croisement de convois de camions devint possible.

Cette route, rappelons-le, qui n’était à l’origine qu’un chemin mal entretenu, sera l’œuvre de l’Armée qui emploiera à ce travail titanesque des territoriaux et des indigènes issus de nos colonies. Le futur canton de Baudonvilliers à Bar-le-Duc, quant à lui, appartient à la route ancestrale dite « route de France » et se trouve être en bon état car régulièrement entretenue par les Ponts-et-Chaussés.

Verdun

Au moment de l’attaque allemande sur Verdun, les français sont donc, autant que faire se peut, prêts à assurer le ravitaillement de la place-forte. Et dès le 19 février, deux jours avant le déferlement allemand, le Capitaine Doumenc responsable du service automobile du Grand Quartier Général est au Lycée de Bar-le-Duc pour organiser les transports à destination de Verdun.

Au chemin de fer meusien revint la mission d’acheminer la nourriture des hommes et des chevaux. Les vivres (boules de pain, boîtes de « singe », « pinard », etc…) seront livrés dans des gares désignées préalablement, à flux tendu, par exemple celles de Dugny, Pierrefitte-sur-Aire, Clermont-en-Argonne, Froidos, Triaucourt…

Les régiments du secteur proche de chacune d’elles seront tenus de se ravitailler dans celles auxquelles ils sont abonnés et devront y trouver ce dont ils ont besoin… Cette mission sera accomplie sans coup férir à la satisfaction du commandement et des régiments. C’est le grand mérite du Varinot !

Les troupes montent dans le train à Triaucourt

Au retour, les wagons à marchandises couverts seront aménagés pour le transport des blessés. On y tend des chaînes entre le plafond et le plancher dans lesquelles, de place en place, dans des anneaux adaptés, on glisse les brancards des civières. Parallèlement, des rames spéciales équipées en permanence transportaient chacune environ 250 blessés accompagnés d’un médecin et d’infirmiers, plus rarement d’infirmières.

Bar-le-Duc et Revigny-sur-Ornain, en particulier, étaient devenues des villes-hôpitaux. Tous les bâtiments de quelque importance, y compris les casernes, sont mobilisés pour assurer la guérison des blessés et des malades. A Bar-le-Duc, la caserne Exelmans, résidence habituelle en temps de paix du 94ème Régiment d’Infanterie, devient l’hôpital central…

Le matériel de renfort

Pour accomplir ces deux missions, le matériel du réseau meusien se révèle vite insuffisant : 15 locomotives auxquelles s’ajoutent 12 machines toutes neuves de la ligne de la Woëvre sauvées de l’occupation allemande. Le matériel manquant sera prélevé sur les réseaux semblables des départements éloignés du front.

Au final, ce sont au total 128 locomotives puissantes et 800 wagons qui connaîtront le réseau meusien tout au long du conflit. Le matériel rameuté en Meuse était disparate et, pour palier ces inconvénients (entre autres, hauteur de tampons, différence d’attelage, frein…), on avait créé des rames homogènes qu’on ne dissociait jamais. Une autre difficulté concernait l’harmonisation du trafic sur le tronçon allant de Souilly à Moulin-Brûlé où l’on comptait 4 passages à niveau.

Le régulateur du canton du secteur fut chargé de cette harmonisation, en alternant les trafics routier et ferroviaire. On put voir alors, sur la ligne Bar-le-Duc-Verdun, un trafic énorme jamais atteint jusqu’alors sur ce type de voie. Les convois à double traction, souvent composés de 20 wagons et plus, circulaient jour et nuit. 22 trains journaliers au début de 1916, 31 en mars, 35 en avril assurèrent le ravitaillement du secteur de Verdun où se trouvaient en permanence 300 000 hommes et 100 à 120 milles chevaux.

La 6.bis

À partir de fin juin 1916, une nouvelle ligne, à voie normale celle-là, vint soulager le travail de la route et du Meusien. Cette ligne courait de Nettancourt-Sommeilles, sur la ligne Saint-Dizier-Vouziers (n° 6), à Dugny et permettait d’acheminer les wagons des grands réseaux sans procéder à un transbordement du fret.

Cette ligne baptisée la « 6bis » construite entre le 23 février et fin juin 1916, pouvait assurer l’acheminement de 3 fois plus de fret que la « Voie Sacrée » et 10 fois plus que le Varinot. Elle permit au Général Joffre de récupérer les camions de son volant de commandement pour les employer lors de l’attaque franco-britannique du 1er juillet 1916 sur la Somme. On y adjoignit deux bretelles, l’une se dirigeant vers Clermont-en-Argonne, l’autre reliant Souilly-Osches à Rampont sur la ligne n° 5. Cette dernière permettait, en outre, d’amener à pied d’œuvre plus commodément l’artillerie lourde de l’A.L.V.F.

À partir du 13 juillet, l’allemand piétina et, petit à petit, l’Armée française regagna le terrain perdu. Le Meusien n’en continua pas moins son service durant toute la guerre, aidant même les américains au moment de leur offensive sur l’Argonne en septembre 1918.

L'après guerre

Les voies sacrées

En 1919, le réseau fut rendu à ses légitimes propriétaires. Dans la légende de la Bataille de Verdun, seule la route, devenue « la Voie Sacrée » bénéficia de la reconnaissance officielle. On plaça sur toutes les bornes kilométriques qui la jalonnent un casque Adrian en bronze et on l’inaugura en grandes pompes le 21 août 1922… Puis on oublia le reste ! Pour le chemin de fer meusien, rien ! Pour la ligne 6bis, rien ! Mieux, cette dernière disparut totalement du paysage meusien dès 1919…

C’est pourquoi nous estimons que l’on doit réparer cet oubli et que le chemin de fer meusien qui « a bien mérité de la Patrie », peut, à juste titre, revendiquer lui aussi, à l’instar de la route, le titre de « VOIE SACREE FERROVIAIRE ».

- TEXTES ÉCRITS PAR -

Jean Boucheré

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